Si le bistrot était autrefois le lieu incontournable de l’art de vivre à la Française, élément de sociabilité et véritable fait de société, il semblerait que leur nombre diminue d’année en année… Un phénomène flagrant dans les campagnes, où la population est de plus en plus mobile. Mais on observe dans divers régions de France , en écho à la revalorisation du terroir, une nouvelle vague de restaurants aux allures de troquets qui ont le vent en poupe. Les bistrots n’ont pas vraiment disparu, mais le concept se réinvente en suivant l’évolution des tendances ! « Bistrot de pays », « bar à vin », « tables bistronomiques » : la cuisine locale revient en tête de liste au sein de ces nouveaux lieux mêlant convivialité et gastronomie.
Selon l’étude faite par une journaliste culinaire, » il y a encore quelques années, chaque village avait son ou ses bistrots, où on se rendait pour discuter, prendre un verre, retrouver des amis.… Symbole de l’art de vivre à la française, ancrés dans notre patrimoine culturel, ils étaient un peu le point névralgique du village. Bien plus qu’un lieu de consommation, le bistrot était comme le « parlement du peuple ». Pourtant, ils sont de moins en moins nombreux, notamment dans les zones rurales, et nombre de villages ont vu leur dernier bistrot disparaître.
Chiffres et explications…
Selon une étude du CREDOC, on se rend compte que le nombre de cafés par habitant a baissé en France de 4 % malgré une remontée du nombre d’établissements depuis 2014. Il y avait un peu plus de 36 000 débits de boissons en 2015, peu ou prou le même nombre que de communes aujourd’hui. Et il faut se rappeler qu’il y avait quelque 200 000 bars et troquets dans les années 1960, et 500000 au début du siècle dernier.
Comment expliquer cette situation ? Une première raison évidente, l’évolution des modes de vie et de consommation. Le développement des loisirs, la télévision, l’informatique, ont chassé l’envie d’aller au bistrot, et l’on préfère acheter quelques bouteilles au supermarché pour les boire entre amis, à la maison, d’autant que la crise économique incite chacun à freiner ses dépenses. Les débits de boisson sembleraient davantage touchés par la crise économique que les hôtels et les restaurants dont la fréquentation reste plus exceptionnelle ou professionnelle.
Selon un des patron d’un grand bar à vin – « vinothèque » réputé en Suisse, la fréquentation de jeunes diminue en terme de fréquence en même temps que les invitations à la maison s’intensifient. Cependant, une certaine partie de la population dépenserait davantage lorsqu’elle organiser une soirée dans un tel lieu.
Les consommateurs n’hésitent pas non plus à investir dans des machines à expresso haut de gamme pour boire un café de qualité chez soi, et même des machines de bistrot tel les Tireuses à bière que l’on peut louer, et certains fabriquent chez eux un comptoir-bar en invitant l’esprit des fêtes à la maison. Autre cause, les contrôles d’alcoolémie, qui incitent les consommateurs à freiner leur consommation d’alcool dans les bistrots lorsqu’ils s’y rendent en véhicule. Les professionnels accusent également la loi anti-tabac, qui aurait fait fuir la clientèle… même si le déclin a commencé bien plus tôt. Mais il faut aussi pointer du doigt le fait que certains bistrots sont devenus moins attrayants en restant indemne avec le temps, quand d’autres au contraire misent sur la modernité et attirent une nouvelle clientèle de plus en plus variée.
Pour redynamiser le marché et fidéliser les clients, il faut « proposer aux gens ce qu’ils ne peuvent pas avoir chez eux », affirme Laurent Lutse, de l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie). Rénover son établissement, rafraîchir les peintures, être d’une propreté irréprochable, mais aussi savoir évoluer, proposer une ambiance agréable, des sièges confortables, des « espaces lounge » et branchés, des animations, et ce aussi bien dans les zones urbaines que rurales, voilà quelques pistes pour attirer une nouvelle clientèle.
La montée des boulangeries-cafés, ou snacking artisanal
D’après les personnes que nous avons rencontrés, les bistrots peuvent aussi reconquérir les clients à l’heure du déjeuner, en proposant des produits de qualité. Car ce sont bien les cafés, avec le fameux sandwich « jambon beurre » proposé au comptoir, qui sont à l’origine du snacking. Pourtant, nombre d’entre eux n’ont pas su se renouveler ni proposer des produits de qualités, et ont vu leurs clients fuir vers les boulangeries . Et l’on sait au vues des nombreux artisans de ce magazine, que les boulangers-pâtissiers n’hésitent pas à s’agrandir d’un rayon snacking et mange-debout, qui savent jouer sur le bon rapport qualité-prix et évite tout risque de devenir un lieu de beuverie en ne proposant pas ou peu d’alcool.
Bars à thèmes : une nouvelle génération de bistrots
On voit ainsi arriver depuis quelques années, les bars à vins, à bière ou à cocktails, les cafés philo, les bars à karaoké ou encore les cyber-cafés . L’UMIH est également à l’origine d’un projet de bistrot dénommé « Faitout » : des établissements « multiservices » qui, en plus d’être des débits de boissons classiques, feraient office de petite épicerie, de dépôt de pain, de « relais colis », proposeraient des services postaux, des billets de train, des journaux, ou des jeux de la « Française des Jeux » et même de tabac… On les trouve essentiellement dans les petits villages où ils constituent parfois le seul commerce du coin ! En bref, un concept qui pourrait pallier la disparition des services publics et des commerces dans les villages.
Bars à Vins et Cafés culturels
Citons également les « Cafés Culture », mis en place pour remédier aux difficultés auxquelles font face les artistes et cafés qui souhaitent organiser des spectacles. On en trouve des exemple à Lyon, spécialisés dans la littérature, les Cafés-Théâtre, les Cafés-poussettes, qui sont à destination des enfants et leur parents…mais aussi dans les communes plus petites comme à Vienne en Isère, où l’on trouve plusieurs bars à vin proposant une petite restauration mettant en avant le terroir, ainsi que des cafés-restaurant dédiés aux concerts et aux animations, faisant même place au jeune public… Un de leur point fort : miser non seulement sur l’animation, mais également sur la qualité et l’originalité de la carte, quand bien même on ne vient pas que pour boire et manger.
Une preuve que la population n’a pas perdu son besoin de sociabilité, étant donné le succès de ces bars à thèmes, que certains viennent même réserver ou privatiser pour passer la soirée en groupe ! Si les gens sortent de manière plus exceptionnelle, et plus souvent le week-end, ils profitent plus longuement de ces moments festifs, culturel et culinaires ! Sortir au Bistrot devient un moment privilégié, et non plus une habitude quotidienne à l’époque actuelle…
Les restaurants « Bistronomiques », une nouvelle étique ?
Dans ce numéro de Saveurs et Terroirs, on peut en voir plusieurs exemples, et cela ne fait que témoigner de cette recrudescence de la « bistronomie », ou bien l’évolution de ce type de structure, se présentant comme des « restaurants bistronomique ». « Cuisine de bistro », « cuisine créative », « cuisine de terroir », « cousue-main » voilà ce qu’il affichent, sans pour autant répondre d’un label. Tel est le cas du couple Olivier et Anna Baduel qui ont ouvert le Bacchus à Beaune, qui a suivit une franche évolution en s’ouvrant aux clients du midi. Où manger rapidement et en toute convivialité un si excellent burger charolais, qui mêle tradition et modernité en misant sur la créativité ? Certains l’ont compris, il faut donc jouer sur l’inventivité en affichant la traçabilité de ses produits, comme pour rassurer tout en les surprenant ces nouveaux clients adeptes de qualité qui apprécient aussi la simplicité humaine et l’ambiance décontractée de ces lieux . On citera en isère, le coupe Virginie et Olivier Millet, au parcours émérite avec un passage dans les Maisons étoilées : leur restaurant A quatre Mains, dit de « cuisine « Bistronomique » se veut à la fois simple mais goûteux et nous a séduit tant par la sympathie des maîtres des lieux que par la délicatesse inédite de ses plats à forte personnalité réalisés à base de produits locaux de haute qualité…
Le label « Bistrot de Pays », pour redynamiser du marché
Au début des années 1990, devant le triste constat que de nombreux lieux de vie sociale, dont les bistrots, s’éteignent peu à peu dans les villages, Bernard Reynal, alors agent de développement territorial, a l’idée de réhabiliter ces lieux de convivialité, pour sauver les zones rurales. Il crée le label « Bistrots de Pays » pour les relancer dans les communes de moins de 2000 habitants. Les premiers établissements naissent en région Provence Alpes Côtes d’Azur, et se déploient sur de nouveaux territoires dans les années suivantes.
Pour obtenir ce label, le commerce doit respecter une charte qui impose plusieurs conditions : Il faut être situé dans une commune rurale de moins de 2000 habitants, proposer autant que possible les services de base non assurés dans le village (dépôt de pain, de journaux, petite épicerie), être ouvert au moins 10 mois sur 12, utiliser des produits locaux et donc valoriser les circuits-courts, proposer au moins une restauration type « casse croûte » à toute heure, basée sur des produits du terroir, être le dernier ou l’un des derniers commerces avec Licence IV (autorisation de la vente de boissons alcoolisées) présents sur la commune, et mettre en place des animations festives au moins trois fois par an (théâtre, cinéma, débats).
Puisque l’on compte aujourd’hui plus de 240 Bistrots labellisés, sur neuf régions de la France, dont les plus représentées sont PACA, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes… le pari semblerait réussi !!